Qu’est-ce que la corrosion?

De nombreux matériaux sont utilisés dans l'industrie de l'éclairage architectural, et la connaissance des différents types de corrosion et de leurs causes permet d'améliorer leurs conceptions et d'augmenter la durée de vie du projet.

Par Francis Julien, P. ing, Ingénieur en mécanique

 

De nombreux matériaux sont utilisés dans l'industrie de l'éclairage architectural, et la connaissance des différents types de corrosion et de leurs causes permet d'améliorer leurs conceptions et d'augmenter la durée de vie du projet. La corrosion est une réaction chimique qui tend à détériorer les propriétés des matériaux en raison d’une exposition à des facteurs environnementaux. La plupart des métaux utilisés dans les objets du quotidien sont des alliages qui n’existent pas naturellement. Ces alliages proviennent de minerais traités et combinés selon les propriétés recherchées. La corrosion décompose les alliages traités en oxydes et, souvent, en change les propriétés d’origine ou l’apparence. La rouille est un exemple très connu de corrosion. Cette substance est un oxyde ferreux qui se forme, au fil du temps, sur des alliages de fer comme l’acier, qui ont été exposés à l’oxygène et à l’eau. L’oxyde ferreux donne une couleur rouge brunâtre aux aciers. Étant plus faible, il contribue à réduire la résistance mécanique des pièces rouillées. Tandis que la rouille est le résultat de la corrosion des alliages de fer, de nombreux autres métaux peuvent subir plusieurs types de corrosion. La première étape consiste à évaluer les différents environnements où les luminaires architecturaux peuvent être installés afin de comprendre leurs impacts sur la corrosion.

 

Les types d’environnements

Comme mentionné précédemment, la corrosion survient lors d'une exposition à l'oxygène et à l'eau. Ainsi, les installations intérieures peuvent sembler sans risques pour la corrosion. Cependant, bien que les environnements intérieurs ne soient pas exposés à l'eau, l'humidité dans l'air peut tout de même nuire aux métaux non adéquatement protégés. Ce phénomène peut être observé dans des endroits où l'humidité relative est plus élevée comme les salles de bain, les cuisines ou les piscines intérieures.  

 

Les villes et les environnements industriels extérieurs

Les luminaires extérieurs, en plus d’être exposés à la pluie et à la neige au fil des saisons, sont aussi exposés à la condensation provenant des variations de température au cours d’une même journée. Une exposition prolongée à la pluie et à la neige accélère la corrosion. Le sel de déglaçage utilisé en hiver est également corrosif pour de nombreux métaux. D’autres produits chimiques ont aussi un effet négatif sur la résistance des métaux dans les environnements industriels ou les villes. Par exemple, les zones fortement industrielles peuvent exposer les métaux à des produits chimiques corrosifs tel que le soufre générer par les usines.

 

Les environnements marins et côtiers

Les zones situées à proximité des océans sont des environnements très corrosifs. Les embruns et la brume dispersent des particules de sel dans l’air environnant. Alors que certaines structures comme les ponts sont très exposées aux vagues et aux embruns, même des bâtiments situés à plusieurs kilomètres de la côte subissent les effets des particules de sel transportées par le vent. Les métaux non adéquatement protégés exposés aux environnements marin ou côtiers peuvent rapidement montrer des signes avancés de corrosion. Lors de la conception d’un produit, on doit nécessairement considérer l’environnement dans lequel il sera utilisé. Ce facteur a une incidence sur les matériaux sélectionnés, les revêtements et les exigences d’essai.

 

Les types de corrosion

La corrosion par piqûres

La corrosion par piqûres est une forme de corrosion très localisée qui apparaît par petites taches en surface lorsque la couche de protection est abîmée. Bien que ce phénomène soit souvent observé sur les aciers inoxydables, d’autres métaux comme l’aluminium peuvent également subir ce phénomène. La corrosion peut demeurer passive ou s’étendre ailleurs sur la couche endommagée. La corrosion par piqûres crée des trous dans les pièces où les contraintes augmentent et peut entraîner la défaillance de la pièce.

Exemple de corrosion par piqûres :

 

La rouille

La rouille est la corrosion des alliages de fer, qui transforme le métal en oxyde de fer rouge. Cet oxyde est fragile et peut se détacher de l’alliage de fer, exposant ainsi plus de fer à la rouille. La rouille peut facilement s’étendre sur tout l’alliage de fer et, avec le temps, affaiblir considérablement la pièce. Si la rouille demeure sur la couche de surface dans des environnements moins corrosifs, ses effets sur les propriétés structurelles seront minimaux. Un ponçage peut servir à enlever la rouille de surface, mais elle réapparaîtra tôt ou tard sur la surface nettoyée.

Exemple de rouille :

 

La corrosion de l’aluminium

La corrosion de l’aluminium se caractérise par la présence d’un film gris poudreux. Cette réaction est fortement accélérée quand l’aluminium est en contact avec l’eau salée ou qu’il se trouve dans des espaces clos très humides. La détérioration de la couche protectrice d’oxyde naturelle est responsable de l’apparition du film gris poudreux. Cette poudre est friable et expose l’aluminium brut qui se trouve en dessous. Elle peut également affecter les revêtements de peinture en se répandant sous la surface et en provoquant le décollement de la peinture.

Exemple de corrosion de l’aluminium :

 

La corrosion galvanique

La corrosion galvanique est un phénomène qui se produit lorsque des métaux non similaires sont en contact. Pour que cette réaction se produise, il faut un contact direct entre des matériaux dissimilaires exposés à un environnement chargé en électrolytes (eau saline, ou autre liquide conducteur). Les métaux sont classés sur une échelle galvanique allant du métal le moins noble (anodique) au métal le plus noble (cathodique). Les métaux nobles sont ceux qui sont plus chimiquement stables et moins réactifs à la corrosion. Lorsque deux métaux éloignés l’un de l’autre sur l’échelle galvanique sont en contact, la corrosion galvanique est très probable. Le métal anodique est attaqué par la corrosion, alors que le métal cathodique est protégé. La corrosion du métal anodique est considérablement plus rapide lorsqu’il est en contact avec un métal cathodique que s’il était le seul métal dans ce même environnement. La meilleure façon de prévenir la corrosion galvanique est d’éviter d’utiliser des métaux non similaires, surtout ceux qui se trouvent aux extrémités opposées de l’échelle galvanique. Si c’est impossible, un isolant électrique (peinture, rondelle en caoutchouc, etc.) placé entre les deux métaux pour éviter un contact direct empêchera que la corrosion galvanique ne se produise. Lorsqu’on ne peut pas se servir d’un isolant et qu’on doit absolument utiliser des matériaux dissimilaires, il est essentiel de considérer les quantités proportionnelles des deux matériaux. Une bonne pratique consiste à utiliser des matériaux anodiques nettement plus grands en contact avec des matériaux cathodiques de petite taille. Puisque c’est le matériau cathodique qui génère le courant responsable de la détérioration du matériau anodique, la réaction sera moins rapide si seulement une petite quantité de matériau cathodique attaque une plus grande quantité du matériau anodique. Ainsi, il peut être acceptable d’utiliser des vis en acier inoxydable (métal cathodique) pour fixer de larges boîtiers en aluminium (métal anodique) dans certains environnements même si, selon l’échelle galvanique, il existe un risque de corrosion galvanique.

Exemple de corrosion galvanique :

L'échelle de potentiel galvanique des métaux : 

 

Les aciers

Bien qu’il existe de nombreuses catégories d’acier, quand on parle de corrosion, on classe ce métal en deux types : inoxydable et non inoxydable. Les aciers inoxydables sont composés d’au moins 10,5 % de chrome. Le chrome est l’élément qui permet à l’acier inoxydable de résister à la corrosion. Une fois en contact avec de l’oxygène, le chrome forme une couche d’oxyde tenace et stable qui protège la surface du métal. L’acier inoxydable est très performant dans des environnements extérieurs et peut s’utiliser sans aucune autre protection. Toutefois, il est possible que de la rouille s’installe dans certaines circonstances. L’acier inoxydable peut subir une dégradation de la corrosion par piqûre ou par corrosion galvanique. Selon l’environnement, une protection supplémentaire peut être ajoutée pour améliorer la résistance à la rouille. Bien qu’utilisé pour leur excellente résistance à la corrosion, les aciers inoxydables sont généralement moins résistants que les aciers alliés structuraux. Leur excellente résistance mécanique et leur faible coût font des aciers non inoxydables un matériau populaire dans de nombreuses structures comme des ponts, des bâtiments ou des luminaires sur colonne. Cependant, même dans des installations intérieures, l’humidité dans l’air suffit pour corroder les aciers non inoxydables. C’est pourquoi ces types d’acier doivent être protégés de la rouille par des revêtements ou de la peinture.

 

L’aluminium

Les alliages d’aluminium utilisés pour fabriquer des luminaires peuvent se classer en deux catégories : les alliages corroyés et les alliages moulés. Ce qui distingue ces deux catégories est les procédés de fabrication. Les alliages de corroyés sont produits par formage mécanique comme le pliage, l’extrusion et l’emboutissage. Les alliages coulés sont préparés en faisant fondre le métal pour ensuite le verser dans un moule. L’aluminium procure une bonne résistance à la corrosion dans des installations intérieures et extérieures. L’aluminium est doté d’une couche naturelle d’oxyde qui se forme lors de son contact avec l’air. Cette couche d'oxyde protège l'aluminium sous-jacent de la corrosion et empêche sa détérioration jusqu'à ce que le revêtement soit endommagé. Les alliages de corroyage sont couramment utilisés pour leurs excellentes propriétés mécaniques et le fini de leur surface. La série 6000 est la plus populaire et offre une résistance à la corrosion remarquable. Grâce à son fini de surface exceptionnel, la couche d’oxyde est très efficace et peut protéger l’aluminium pendant des années. Toutefois, le risque de corrosion galvanique est quand même présent. Les alliages coulés forment aussi une couche d’oxyde par le contact avec l’oxygène, mais cette couche est généralement moins protectrice à cause du processus de fabrication. Pendant le moulage, des microporosités peuvent se former à l’intérieur des pièces où de l’oxygène est emprisonné, ce qui peut accroître la propagation de la corrosion à l’intérieur de la pièce si la couche supérieure est égratignée ou exposée à une atmosphère saline agressive. Les alliages coulés sont aussi susceptibles à la contamination lors de la fusion. Les alliages d’aluminium à faible teneur en cuivre sont plus résistants à la corrosion, mais la concentration en cuivre peut varier en fonction de la contamination.

La protection contre la corrosion
Maintenant que nous avons discuté des environnements où le risque de corrosion est plus grand et des différents types de corrosion, reste à savoir comment éviter ou réduire cette réaction.

La sélection des bons matériaux
La première étape consiste à sélectionner les bons matériaux en fonction du type d’installation. Comme indiqué précédemment, l'acier inoxydable offre une excellente résistance à la corrosion, mais il est plus coûteux. Certains types d’aciers inoxydables sont mieux adaptés aux environnements marins que d’autres. Lorsque l'acier inoxydable n'est pas possible pour des raisons de coût ou de résistance, l'acier allié au carbone peut être utilisé, mais il nécessitera une protection additionnelle. En ce qui concerne l’aluminium, les alliages de corroyage sont généralement plus résistants à la corrosion que les alliages coulés, mais, dans la conception, on doit tenir compte de la forme et des limites de fabrication. Quand les alliages coulés s’avèrent être la meilleure option pour la fabrication, il est préférable de choisir des alliages à faible teneur en cuivre pour augmenter la résistance à la corrosion. Enfin, en évitant d’utiliser des matériaux qui sont éloignés l’un de l’autre sur l’échelle galvanique ou en isolant ces matériaux, on peut réduire considérablement le risque de corrosion galvanique.

 

Les revêtements

Les revêtements sont une excellente solution quand la matière brute ne peut pas résister à certains environnements. La galvanisation de l’acier ou l’anodisation de l’aluminium sont de très bons exemples de revêtements. La galvanisation est un procédé qui consiste à recouvrir un acier allié d’une couche de zinc. Pour y arriver, on a recours à la galvanisation à chaud, qui s’effectue en trempant une pièce en acier dans un bain de zinc en fusion pour créer une barrière épaisse qui fournira au métal une protection hors pair contre la corrosion pendant de nombreuses années. L’inconvénient est que ce type de galvanisation produit une mauvaise finition et une surface d’apparence médiocre. La couche de zinc sert de couche protectrice qui sera sacrifiée si l’acier brut est exposé. Un autre moyen de galvaniser l’acier est l’électro galvanisation. Ce procédé consiste à revêtir l’acier d’une mince couche de zinc en faisant une électrodéposition. L’électro galvanisation protège l’acier moins efficacement que la galvanisation à chaud, mais produit une surface qui se peint mieux. L’anodisation protège les pièces en aluminium en formant une couche d’oxyde anodique épaisse et dure qui améliore la résistance à la corrosion. L’anodisation offre aussi la possibilité de donner une couleur métallique esthétique à la couche. Ce revêtement possède une résistance exceptionnelle à l’usure si on le compare à la peinture.

 

La peinture

La peinture est souvent utilisée à des fins esthétiques et pour améliorer la résistance à la corrosion. La peinture sert de barrière qui protège le métal de l’eau. Sur des matériaux comme l’aluminium et l’acier inoxydable, qui sont naturellement protégés contre la corrosion, la peinture fournit une protection supplémentaire. On peut aussi utiliser la peinture pour protéger des matériaux comme l’acier allié qui rouillerait sans cette barrière protectrice. La peinture en poudre électrostatique est une méthode populaire dans le monde de l’éclairage architectural en raison de la grande qualité de la peinture et de la barrière étanche créée par ce procédé. Quoique la peinture protège le métal, avec le temps, elle peut subir des dommages ou devenir perméable à l’eau. Certains apprêts peuvent contribuer à la protection du matériau ou encore, permettre à la peinture de mieux adhérer à la surface. Les apprêts au zinc sont un bon exemple : ils renforcent l’adhérence au matériau tout en le protégeant de la corrosion.

 

Comment peut-on tester une conception pour assurer une protection adéquate contre la corrosion?

La corrosion est une réaction complexe sur laquelle influent de nombreux facteurs (température, humidité, produits chimiques, etc.).  La meilleure façon d'évaluer la résistance à la corrosion serait donc de faire l'essai d'un prototype dans un environnement réel pendant de longues périodes. Parce que la corrosion peut prendre des années à apparaître, cette approche n'est pas pratique, car le processus de développement serait trop lent. Les essais accélérés peuvent servir à valider une conception. Les essais au brouillard salin sont une méthode standard d'évaluation de la résistance à la corrosion des pièces ou des assemblages.Les pièces sont exposées à du brouillard salin pendant des périodes prolongées (de quelques heures à plusieurs milliers d'heures). Ces essais sont fréquemment utilisés parce que leur coût est relativement faible et qu'ils sont contrôlés par de nombreuses normes, notamment la norme ASTM B117. Ils sont surtout utiles pour l'évaluation de l'efficacité du revêtement et pour la comparaison de différents procédés ou lots de production. Malheureusement, aucune corrélation n'existe entre le nombre d'heures d'exposition au brouillard salin et le nombre d'années d'exposition dans différents environnements. Certains matériaux (comme l'acier galvanisé qui résiste très bien à la corrosion) produisent des résultats médiocres dans le cadre d'un essai au brouillard salin. Conséquemment, l'interprétation des résultats des essais au brouillard salin doit se faire soigneusement pour s'assurer que les différents revêtements et pièces sont comparés avec des paramètres similaires. En outre, la comparaison des résultats d'essais au brouillard salin avec ceux relatifs aux pièces ayant été exposées à un environnement spécifique pendant des années peut aider à mieux comprendre la capacité de résistance d'une pièce.  

 

Conclusion

La corrosion est un phénomène chimique naturel qui touche la plupart des métaux au fil du temps. Certains matériaux ou conditions spécifiques sont liés à un risque de corrosion plus grand. La corrosion n'est pas toujours évitable, mais on peut la contrôler et la réduire considérablement pour assurer une bonne qualité et sécurité pendant de longues périodes. En choisissant judicieusement les matériaux et les revêtements, et en conduisant des essais accélérés appropriés sur les designs, on peut minimiser la corrosion. Lorsque des conditions extrêmes excèdent la capacité des revêtements ou la capacité naturelle des matériaux à résister à la corrosion, une conception adéquate peut freiner les effets de cette corrosion de façon à ce que les dommages se limitent à l'esthétique.